Editorial de François Thébaud, numéro 3 du Miroir du Football (Mars 1960)

L'éditorial de François Thébaud est illustré par des photos des articles faisant parties du numéro 3 du Miroir du football.
A noter que Pierre Lameignere qui jouait à l'époque au CA Paris signait Paul Kervelec.
Parmi les sujets traités, la surprise de Gardanne, le jeu à cinq, la passe longue, comment joue le Racing
à suivre d'autres éditos...
Un seul football, Mars 1960

M. Lempierre, du Havre, nous écrit :

Le « Miroir du Football » ne pourrait-il pas consacrer une double page aux amateurs ? C.F.A., Coupe Nationale des Cadets, Coupe Gambardella, Concours du Jeune Footballeur … Ces sujets trouveraient, je pense –surtout auprès des jeunes- succès et intérêt.

Cette suggestion d’un lecteur, qui nous apporte par ailleurs la preuve indiscutable de son attachement à notre revue, mérite une réponse particulière parce qu’elle exprime un point de vue partage par d’autre sportifs.

Voici la réponse.

En publiant chaque mois les classements du C.F.A. et des championnats régionaux d’honneur, aux côtés des championnats nationaux et des compétitions internationales, en consacrant des reportages aux petits clubs, le « Miroir du Football » montre qu’il ne sous-estime pas le football amateur.

Mais une revue mensuelle ne peut avoir ni l’intention ne les moyens de relater en détail l’activité des quelques 10 000 clubs français, suivie d’ailleurs au jour le jour par les quotidiens régionaux.

Si le nombre considérable de nos équipes amateurs et leur dispersion géographique nous interdit de leur consacrer des articles particuliers, nous avons la conviction que les 500 000 footballeurs qui les constituent peuvent et doivent trouver dans des articles qui s’adressent à tous –amateurs, professionnels, pratiquants et spectateurs amoureux du vrai football- matière à réflexion.

En effet, la diversité des catégories dans lesquelles se divise le monde du football et les hiérarchies établies ne l’empêchent nullement de réaliser son UNITE dans l'esprit du Jjeu.

La magnifique victoire des promotionna ires provençaux de Gardanne sur les vedettes professionnelles de Toulouse en Coupe de France est venue opportunément rappeler le caractère merveilleusement humain, foncièrement égalitaire de cet esprit du jeu qui, lorsqu’il anime l’équipe la pus modeste, lui permet de balayer toutes les inégalités individuelles.

Le « Miroir du Football » nous le répétons, ne cherche pas l’adhésion du badaud par la promesse du « sensationnel », le culte de la grande et de la petite vedette, l’exaltation de l’esprit de clocher. Il s’interdit de spéculer sur la naïveté, les préjugés ou la vanité de quelques-uns. Mais il s’adresse à l’intelligence de tous.

Cet acte de foi dans la valeur humaine du sport à pu paraître ambitieux, voire ridicule, aux yeux d’une certaine presse, pour laquelle l’exploitation méthodique des bas instincts et de la sottise est, en même temps qu’un axiome, la garante du succès.

Les faits, en l’occurrence le triomphal succès de son premier numéro, ont si bien démontré le bien-fondé de cette conception que le « Miroir du Football » a vu surgir dès son second numéro un imitateur.

Un imitateur aux intentions très pures, et qui découvrait avec un ravissement tardif et presque attendrissant les attraits des articles consacrés à la technique, aux règles du jeu, aux grands stades.

Un imitateur aussi dépourvu de complexes que d’idées personnelles puisqu’ils avait le front d’ajouter : « Et surtout ne confondez pas. « 


Précision superflue. Dans tous les domaines, la copie ne peut être qu’un pâle reflet de l’original. Pour parler de football aux footballeurs, il faut être des leurs. Pour le comprendre et les comprendre, il faut vivre la vie du football, sur les terrains, balle au pied. Il n’y a pas d’autre preuve de conviction et de sincérité.