Amsud  : le Pérou ranime sa légende par François Sorton

Amsud  : le Pérou ranime sa légende par François Sorton
Vous avez choisi le mardi pour veiller et regarder la première demi-finale de la Copa América Brésil-Argentine (2-0, à oublier)  ? Mauvaise pioche. Il fallait attendre le lendemain pour s’offrir un somptueux Pérou-Chili (3-0).

1970, heureux souvenir
De la Coupe du Monde la plus attractive depuis sa création, on se souvient surtout de la majestueuse finale Brésil-Italie (4-1), c’est normal, on se rappelle souvent de l’apothéose. Et pourtant, ces Brésiliens devenus mythiques auraient pu ne pas exister tant ils avaient vacillé en quart de finale avant de vaincre (4-2) une équipe du Pérou déchaînée emmenée par un trio d’attaquants très racés  : Cubillas-Sotil-Gallardo. A l’époque, le Miroir du Football avait longuement relaté les arabesques diaboliques de ces Péruviens insaisissables. Le troisième âge a pour seul avantage d’avoir beaucoup de souvenirs et celui-ci en est un très heureux.
En voyant l’autre nuit ce Pérou-là ne faire qu’une bouchée du Chili ultra favori, on était obligé d’y repenser tant ces joueurs au si beau maillot blanc furent impressionnants des mêmes maîtrise et habileté techniques. On évitera de trop en rajouter car en quarts de finale, ils avaient été très défensifs contre l’Uruguay 0-0 (beaucoup plus entreprenante qu’en Coupe du Monde) et chanceux de s’en sortir à l’épreuve des tirs au but. On distinguait néanmoins que toutes leurs sorties de balle étaient empreintes d’un certain purisme. Contre le Chili et ses stars (Alexis Sanchez, Arturo Vidal, Vargas), ils ont fait une démonstration très aboutie de jeu en mouvement, d’appels, de contre-appels, de démarquage, de soutien au porteur du ballon. Ils sautillaient quand les Chiliens transpiraient. Quelques séquences de longues possessions de balle ponctuées par de foudroyantes accélérations furent même un vrai ravissement.
Leur mérite est d’autant plus grand qu’aucun joueur (hormis peut-être Guerrero qui a fait un passage éclair sans gloire au Bayern il y a quelques saisons) n’est connu ou reconnu en dehors de l’Amérique du Sud. Les Péruviens sont dispersés un peu partout dans des équipes de moyenne importance (Mexique, Chili essentiellement) et qu’ils arrivent à compenser cet anonymat individuel par une performance collective aussi consistante est très valorisant. Ricardo Gareca, leur sélectionneur depuis 5 ans, est argentin. On ne sait pas comment l’Argentine recrute ses sélectionneurs depuis 20 ans, on sait juste qu’elle manque tellement de maîtrise technique que même Messi est déboussolé. On se dit que Gareca pourrait peut-être faire l’affaire.
Rendez-vous dimanche
Dimanche soir, maintenant, contre le Brésil chez lui, le Pérou risque de souffrir, bien sûr, parce qu’à un certain moment, les différences individuelles sont telles que résister est très difficile. Mais que les Péruviens renouvellent simplement la même prestation et sait-on jamais…Ils sont de toutes façons les grands gagnants de cette Copa América assez décevante et heurtée où les grandes nations (Brésil, Argentine, Chili) n’ont pas été tout à fait à la hauteur. Si ce Brésil défensif et austère (qui vaut quand même par quelques actions spectaculaires) gagnait le trophée, pas sûr qu’un fil conducteur nous ramènerait en 1970. On serait plutôt atteint d’amnésie, qui s’apparente aussi pas mal au troisième âge, après tout.
PS  : le Japon avait obtenu une dérogation pour participer à cette Copa América. Il a très bien tenu son rôle en jouant un football parfois enthousiasmant. Mais leur manque de réalisme en attaque les a éliminés prématurément.