Le football, passions ivoiriennes par Bernard Gourmelen

Le football, passions ivoiriennes par Bernard Gourmelen
Bernard Gourmelen (1) , adhérent de l’AMFT _ et ancien du MFP  ! _ nous fait partager une expérience récente d’un séjour «  footballistique  » en Côte d’ivoire  : il a retenu trois lieux, trois moments pour montrer comment le football peut être un puissant facteur de cohésion sociale et humanitaire.
Les livres de Bernard Gourmelen ici


Durant un voyage en Côte d’Ivoire lors du mois de juin de cette année, j’ai été le témoin de la manière dont ce sport a pris place dans la société pour le plaisir de le pratiquer mais pas que… En effet, si tout lieu peut se transformer en un terrain de jeu, tout un chacun muni d’une paire de sandales ou pieds nus avec un ballon ou tout objet sphérique peut y jouer. Le football, par sa pratique et ses règles simples à la portée de tous, s’adresse à tous et à toutes, joueurs et joueuses, spectateurs et spectatrices.
Ce sport, plus que d’autres, est un support pour le lien social quels que soient l’âge, le sexe, mais aussi la communauté ou l’ethnie.
En trois lieux, c’est ce que j’ai pu constater  : d’abord dans un village situé à l’intérieur du pays, puis dans les installations de l’ASEC Mimosas à Abidjan et pour finir à la Cité Universitaire de Cocody à Abidjan.

Dons, football et liesse au village de Mahibouo
Pour se rendre d’Abidjan à Gagnoa puis à Mahibouo, il y a environ 300 km à parcourir. Par relations personnelles, bien avant le départ pour ce voyage, j’ai proposé d’amener quelques dons.

Récupérer ici, en France, des équipements sportifs comme un jeu de maillots avec des shorts, des ballons, des tee-shirts ne constitue pas une performance au vu de ce qui peut «  dormir  » dans les armoires ou les placards des associations sportives. Trouver un sac et mettre le tout dans celui-ci ne relève pas non plus de l’exploit. Là où cela commence à prendre sens, c’est lorsque sur place vous procédez au don, qui va se dérouler officiellement avec les instances locales représentant la chefferie du village et la Mutuelle de Développement de Mahibouo (MUDEM).


Le don effectué à la Mudem est transmis par son vice-président aux responsables locaux de la jeunesse et des sports du village.
Mais le plus surprenant restait à venir. Prévenu de mon arrivée, les autorités locales avaient réussi à mettre en place en moins de vingt-quatre heures des rencontres sportives avec pour commencer une opposition entre deux équipes féminines, Mahibouo contre Baoulés, suivie d’un tournoi regroupant quatre équipes masculines  : Mahibouo A et Mahibouo B, Baoulés et Abrons, avec demi-finales et finale. Les rencontres se sont déroulées sous les yeux d’un nombreux public enthousiaste, composé des villageois et villageoises mais aussi des habitants des campements avoisinants.

Une vue du public présent.

Il y a de l’animation sur la place du village…

Les équipes féminines sont présentées au public.



Chaque équipe fête avec ses supporters le but marqué ou la victoire.

Les rencontres ont eu lieu au centre du village, sur la place publique qui servait de terrain d’évolution avec sonorisation pour commenter le match mais aussi pour permettre une ambiance musicale et chaleureuse. Le speaker motivait les équipes et leurs supporters mais opérait aussi pour la présentation des équipes. L’arbitrage était confié à l’un des responsables de l’animation du village en charge des jeunes.


Les équipes du tournoi masculins sont présentées avant la finale au Vice-Président de la MUDEM.
C’est ainsi que tout le dimanche après-midi la presque totalité des habitants et des habitantes de Mahibouo a pu vivre au rythme du football pour le plaisir du jeu et du partage.
A partir de cette expérience, quelques membres des instances du village ont décidé de réfléchir à la mise en place d’un projet pour la création d’un véritable équipement sportif sous la forme d’un mini-stade. Ce qui permettrait la pratique éducative dans le cadre du sport scolaire avec l’approche de sports différents pour les élèves de l’école publique de Mahibouo, mais aussi la pratique du sport de loisirs et de détente pour l’ensemble de la population du village en fin d’après-midi, le soir ou le week-end par l’organisation de tournois ainsi que le déroulement de compétitions locales, cantonales ou départementales. Avec en finalité le fait de pouvoir participer au développement du village de Mahibouo, tout en maintenant les jeunes au village et en créant un centre d’intérêt sportif cantonal, voire départemental.
La finalité de ce projet devrait permettre l’animation du village lors de rassemblements sportifs pour favoriser les échanges interculturels et créer du lien social entre les générations, aider à la formation des animateurs ou animatrices en charge de ces pratiques sportives comme d’aider à la fourniture des matériels nécessaires pour ces pratiques sportives.
Pour résumer, on a là la preuve que le football est bien un sport où la compétition a sa place mais que la manière de le pratiquer peut aussi avoir son importance comme les effets qu’il peut produire sur les populations concernées  !

La rencontre avec Baky Koné, président de la section football à l’ASEC Mimosas à Abidjan
Deuxième moment important dans ce voyage, le déplacement sur les installations de l’ASEC Mimosas à Abidjan et la rencontre avec Baky Koné, l’ancien joueur professionnel de Lorient, Nice et Marseille et ancien international ivoirien.

Un ami ivoirien avec Baky Koné.
Baky Koné nous a reçu avec simplicité pour nous conter sa vie de footballeur professionnel mais aussi ses rencontres avec deux de ses mentors, Jean-Marc Guillou et Christian Gourcuff
«  Je suis revenu au pays d’abord pour achever ma carrière de joueur et, aujourd’hui, pour être le président de la section football  : ayant fait mes débuts ici, j’avais toujours projeté de finir à l’ASEC. J’ai été formé par Jean-Marc Guillou à l’académie et plus tard, j’ai eu comme entraîneur Christian Gourcuff chez les professionnels, ce qui m’a toujours permis de pratiquer un football construit et offensif. Mon rôle proche de celui d’un directeur sportif me permet de transmettre ces expériences aux plus jeunes. Notre but à l’ASEC est de conserver au club le plus longtemps possible les jeunes que nous formons. A l’ASEC, nous sommes plutôt privilégiés car nos installations à Sol Béni sont parmi les meilleures du pays. C’est ce qui fait que beaucoup de jeunes talents veulent venir chez nous, ils savent que nous sommes la meilleure vitrine et le meilleur lieu pour leur permettre de s’exporter.  »
Il a aussi raconté comment il partipait à sa manière, discrètement, à des actions de solidarité internationale pour venir en aide aux personnes défavorisées de son pays.
Cet ancien joueur professionnel n’oublie pas d’où il vient, d’une famille des plus modestes, que le football a pu mettre à l’abri du besoin grâce à son comportement des plus responsables.

Une petite partie des jeunes footballeurs en formation sur les terrains de Sol Béni à l’académie de l’ASEC Mimosas.

La retransmission du match de la Coupe d’Afrique des Nations entre la Côte d’Ivoire et la République d’Afrique du Sud à Abidjan
Lors de ce même mois de juin avait lieu un autre événement à résonance planétaire avec la Coupe d’Afrique des Nations en Egypte. Les rencontres de l’équipe nationale ivoirienne, les Éléphants, sont suivies avec ferveur et, parfois, avec excès de la part d’une nation qui voit en son équipe tous les espoirs de finir la compétition titrée. Succès international qui peut être retentissant sur le continent africain comme lors des victoires en 1992 et en 2015.



Pour répondre à cette ferveur, l’Etat et la télévision ivoirienne déploient dans la capitale des lieux où il est possible d’assister en plein air et en public, sur écran géant pour suivre les évolutions de leurs joueurs préférés comme ici à la cité universitaire de Cocody à Abidjan.

Sur le cliché suivant, on constate que les cours à la faculté ont du s’arrêter au vu de la jeunesse présente pour suivre la rencontre entre la Côte d’Ivoire et la République d’Afrique du Sud, première rencontre du premier tour gagnée sur le score de 1 à 0 par les Éléphants.


Football et ferveur font ainsi bon ménage à la grande joie des supporters prêts à s’enflammer même si le but est raté, comme ci-dessous…


L’ambiance reste électrique et tendue tout au long de la rencontre suspendue à l’investissement énorme mis par les supporters à soutenir coûte que coûte leur équipe favorite. Mais là encore, le football permet le mélange des peuples, communautés ou ethnies, unies dans un même élan pour la nation ivoirienne avec fougue et beaucoup de passions  !

(1) Bernard Gourmelen, après des études de sociologie, s’est spécialisé dans la formation professionnelle. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dans ce domaine aux éditions L’Harmattan, et coauteur de Petits métiers pour grands services dans la ville africaine (2011).