Quand le football est confronté à une pandémie par Bernard Gourmelen

Quand le football est confronté à une pandémie par Bernard Gourmelen

Lors de la période de confinement liée à la propagation d’un virus dans le monde comme c’est le cas en ce premier semestre 2020, les réseaux sociaux sont un des moyens possibles de communication. C’est ce qui m’a permis de réaliser ces entretiens, loin du sol ivoirien.

Le foot, un sport qui nous colle à la peau…
Atacabori, nous avons fait en partie sa connaissance lors de la découverte d’un club de village.

Ce jeune Burkinabé est âgé de vingt ans. Il suit une classe de première D au lycée de Gagnoa, alors que lui et sa famille résident au village de Dougroupalegnoa.
Je joue régulièrement dans une équipe de quartier du village, dénommée le FC Dioulabougou 2, explique-t-il.
En fait, cette passion du ballon round lui est venue dès le plus jeune âge  : J'ai été inspiré à jouer au foot par mes camarades d’école, en classe de CP1, à l'âge de 9 ans. Je les voyais courir de partout avec un ballon et le sourire au visage. Cela m'attirait car je voulais faire comme eux. J'ai un souvenir vraiment fantastique et inoubliable de cette époque car nous économisions notre argent de la récréation pour acheter des friandises, qu’on mettait dans une boîte. Et, lorsque nous jouions un match, le vainqueur de ce match s'emparait de la boîte remplie de friandises, c'était vraiment amusant.
Aujourd’hui en poursuivant cette pratique sportive, Atacabori y retrouve son enfance, comme il aime le raconter  : En jouant au foot, cela me rappelle les bons moments que j'ai passés avec mes amis de la maternelle. Je continue par-dessus tout à jouer car cela m'inspire, parce que je souhaiterais un jour être une star du football comme CR7 ou Leo Messi. J'ai toujours l'envie de jouer car le football est ma meilleure distraction. Cette pratique est pour moi un sport particulier qui est toujours dans mon emploi du temps, qu'il soit chargé ou pas. Pour être plus précis, le football est comme une pratique obligatoire pour moi. Il rajoute  : Selon moi, la présence du football partout en Côte d'Ivoire est d'amener la jeunesse à pratiquer ce sport.

Atacabori en tenue de footballeur pour un match du samedi soir sur l’aire de jeu à Dougroupalegnoa.

Le football pour Atacabori se pratique dans son village, au quartier  : Je fais partie d'une équipe dans mon quartier et je participe à des tournois du village, souvent des tournois inter-villages. Nous sommes encadrés par un coach. Nous avons remporté un trophée dans un tournoi inter- villages en 2019.
Dans notre équipe nous avons le sens du fair-play, du pardon et l'amour pour tous nos coéquipiers. Pour adhérer à notre équipe, il suffit seulement d'en parler au coach et il t'intègre ou pas, si tu remplis les conditions. Nous n'avons pas de cotisation sauf au cas où nous voulons acheter un ballon. Nous avons fait des contrats dans des plantations pour avoir l'argent afin de nous procurer notre équipement. Nous faisons des entraînements chaque jour à partir de dix-sept heures sur notre terrain du quartier. Nous espérons que dans le futur notre équipe sera reconnue officiellement pour que nous puissions participer à de grandes compétitions.


Quand on lui demande ce qu’il pense de la pratique de son sport préféré au plus haut niveau et de son impact sur son quotidien de footballeur, il reste clairvoyant, pris entre la recherche de modèles, l’admiration d’idoles et les excès du professionnalisme  : À mon niveau, je tire mes idées des grandes compétitions professionnelles donc on peut dire qu'effectivement le football professionnel a des impacts sur mon football. Selon moi, notre football (le jeu pratiqué) est un reflet du football professionnel. C'est en fonction de cela que nous tirons notre motivation en espérant qu'un jour, il sera encore plus exotique. Mon équipe préférée est la Juventus de Turin car j'adore le jeu de CR7 mais aussi celle du Barça pour leur tactique de jeu. J'aime suivre en particulier les matches de la Juventus et du FC Barcelone parce que c'est de leurs jeux que je tire mes leçons.
Le football est une pratique reconnue partout dans le monde au très haut niveau, pour cela pour rien au monde je ne pourrais m'en passer. Je trouve vraiment cette pratique sympa et très facile à pratiquer. Pour terminer, je souhaiterais que vous sachiez que le football est mon second boulot après l'école, je suis vraiment fasciné par cette pratique.

Pour conclure, il a bien voulu nous dire la manière dont se mêlent football, virus et restrictions de vie  : Ici au village nous pratiquons toujours le football, contrairement à Gagnoa. L’Etat et les administrations ont interdit les rassemblements de plus de cinquante personnes alors que nous ne jouons qu'à dix sur le terrain, donc les mesures de restriction n'ont pour le moment aucun effet sur notre football puisque qu'il n'y a pas encore de signes du virus à Gagnoa, et encore moins dans notre village.


Nous, notre virus, c’est le football  !


J’ai aussi fait la connaissance de Madess Mbappé (son surnom de footballeur), un jeune ivoirien de dix-neuf ans, originaire du village de Dougroupalegnoa, lycéen en classe de seconde à Gagnoa.
Bien entendu, pour Madess comme pour la très grande majorité des jeunes ivoiriens, la pratique du football reste la préoccupation nationale.

Cela fait longtemps que je joue au football. J’ai commencé à l’école vers cinq, six ans dans la cour lors des récréations. Chez moi, dans la famille personne n’y jouait. Cela m’a bien plu, alors je n’ai pas arrêté.


Madess Mbappé dans la tenue de son équipe préférée, aux couleurs de la Juventus de Turin.

Aujourd’hui, j’y joue encore avec des amis. Mais, je ne joue pas dans une équipe de club. On se retrouve, on forme une équipe qui n’est pas forcément la même d’une rencontre à une autre. On joue dans le quartier où je réside, à Babré, à Gagnoa. Ainsi, on participe à des tournois de quartier, ou bien à des rencontres amicales au Maracaña et même sur de vrais terrains, à onze contre onze. On a choisi les équipements du club de Turin, celui de la Juventus. Par contre, nous nous débrouillons pour en assurer l’achat. On s’entraîne très régulièrement, au moins deux fois par semaine. Et lorsqu’il n’y a pas de rencontres de prévues contre un adversaire, on joue entre nous, le samedi et le dimanche après-midi, voire le mercredi soir.
Je joue en numéro huit, comme milieu de terrain offensif. Notre équipe se débrouille assez bien et, nous arrivons à gagner quelques trophées lors des tournois de quartier.


Lorsqu’il ne joue pas en ville avec ses copains, c’est au village de Dougroupalegnoa qu’il évolue avec l’équipe de Dioulabougou 2.


Bien jouer et gagner, reste quand même pour lui et ses coéquipiers, l’essentiel….

Madess avec un trophée gagné avec son équipe du village de Dougroupalegnoa.

Effectivement, Madess comme ses coéquipiers, de la ville ou du village, donnent le maximum lorsqu’il est sur le terrain, toujours dans l’espoir d’être vu par un recruteur d’un des nombreux centres de formation de la ville ou du pays.
J’aimerais bien intégrer un centre de formation pour devenir un vrai joueur de football professionnel. La principale difficulté est que cela coûte cher et que mes parents n’ont pas trop l’argent.
Alors, je suis bien conscient que cela ne sera pas facile mais c’est vraiment ce que je voudrais devenir.


En ces temps de confinement, situation vécue lors de cet entretien, Madess précise  :
Avec le virus, tout est chamboulé mais cela ne nous empêche pas de jouer à notre jeu préféré. C’est comme indispensable pour nous. A Gagnoa, on arrive encore à se retrouver avant le couvre-feu. Et, on ne traîne pas pour rentrer…
Parti dans son village, à Dougroupalegnoa, pour passer cette période, il complète  : c’est encore plus facile ici car on y est plus tranquille. Ce virus ne prendra pas le dessus sur notre virus à nous, jouer au football  !