Madagascar, la belle histoire de la CAF par François Sorton

Madagascar, la belle histoire de la CAF par François Sorton

Madagascar est au football africain ce que les Iles Féroé sont au football européen  : un figurant qui ne gagne jamais un match. D’ailleurs, les bookmakers cotaient sa victoire finale à 7OO  contre 1, c’est dire. Les Malgaches joueront pourtant en Egypte jeudi soir un quart de finale contre la Tunisie.
La «  marque  »    Guillou 
Des maillots dépareillés, des chaussettes trouées, des rassemblements dans des hangars de fortune avec lits superposés  : bienvenue à l’équipe nationale de Madagascar qui dispute en Egypte la première phase finale d’une compétition de son existence. C’est un miracle qu’elle doit en partie à Fanura Andriatsima, attaquant de 35 ans de Clermont, qui a remué ciel et terre pour réunir la diaspora malgache dispersée à Lyon (Jeremy Morel, le plus connu de tous, relève de blessure), à Arras, Vitré, Martigues, aux Herbiers, clubs mineurs français mais aussi en Arabie Saoudite, en Bulgarie, en Algérie, en Thaïlande, en Afrique du Sud.
Jusqu’alors, la Fédération ne convoquait pas les «  exilés  », les billets d’avions étaient trop chers. Elle a fait un effort, même si les joueurs doivent payer de leur poche les courts séjours de leur famille. L’Académie de Jean-Marc Guillou, éphémèrement installée au pays, a contribué à améliorer le niveau technique d’un football tiers-mondiste.
Dans une compétition d’une faiblesse abyssale (à peine 2 buts par match), le combat physique est un must. Les rencontres sont décousues, hachées, les défenseurs trouvent des touches comme des arrières de rugby, les milieux de terrain bâtis comme des armoires à glace s’échinent à tacler et à renvoyer la balle de la tête, les attaquants attendent des ballons qui n’arrivent jamais (et pourtant, il y en a, de grands attaquants  : Mané, Salah, Pépé entre autres). Si le combat et l’agressivité étaient l’alpha et l’oméga du foot, alors Caen ne serait pas en Ligue 2 mais champion de France.
Dans ce contexte pernicieux, Madagascar passerait presque pour un modèle, au seul motif que son jeu est plus posé, réfléchi, fluide. Son entraîneur y est peut-être pour quelque chose, on ne le connaît pas, il s’appelle Nicolas Dupuis, il a 51 ans, il entraînait jusqu’alors Yveuze en CFA, puis le F.C Fleury, en Nationale 2. . Il est à Madagascar depuis 6 mois, joue les G.O avec bonhomie. Deux joueurs au moins gagnent à être reconnus  : Ibraham Ameda (F.C Alger) milieu de terrain organisateur du jeu et Andria Corelus (Al-Adahl en Arabie Saoudite), attaquant virevoltant et buteur de l’équipe. Ces deux joueurs qui donnent le tempo de l’équipe ont un point commun  : ils sortent de l’Académie de Guillou, où comprendre le jeu est une nécessité et savoir faire une passe une obligation.
Toutes les histoires ont une fin, y compris les plus belles. Mais Madagascar fut le seul rayon de soleil d’un environnement égyptien si résolument sombre pour le football africain, qui a importé d’Europe ce qui se fait de pire en oubliant ce qui se fait de mieux.