Le foot français sur le fil du rasoir par François Sorton

Le foot français sur le fil du rasoir par François Sorton

Il n’y a pas que l’embellie de Portugal-France dans le football français. Il y a aussi ses incohérences, ses couacs, ses virus, ses impérities. Si certains sont anodins, d’autres le mettent sur le fil du rasoir.

«  Le milliard  ! Le milliard  !»
Waldemar Kita, le fantasque président de Nantes, avait affirmé l’an passé dans «  l’Equipe  »  : «Notre championnat est au moins aussi valeureux que celui de l’Espagne, de l’Italie ou de l’Allemagne. Il serait donc normal que les diffuseurs paient au moins un milliard pour sa diffusion  ». Tous les présidents se sont mis à scander  : «  Le milliard  ! le milliard  !  ».
Avec un système d’enchères très malin et sophistiqué, le milliard a été dépassé mais il est arrivé sur la banque de l’avenir. Médiapro ne veut pas payer –on vous en avait fait part ici- et la situation est devenue d’une extrême confusion. Si la Ligue a emprunté de l’argent à une banque anglaise pour ravitailler les clubs, elle ne va plus pouvoir se substituer longtemps à l’indélicat. Les salaires de novembre pourront être payés, pour ceux de décembre, les présidents commencent à se faire des cheveux blancs. Certains clubs ont anticipé sur les recettes à venir et n’ont plus un sou vaillant.
On apprenait en ce début de semaine que les audiences des matches de Ligue 1 étaient catastrophiques. Entre un calendrier erratique, des matches reportés, plus personne ne sait vraiment où nous en sommes. Mais si les abonnements se font aussi rares, c’est parce que la qualité de jeu est d’une absolue médiocrité. Comment les clubs n’ont-ils pas compris que leur visage ultra-défensif dans l’ensemble équivalait à se tirer une balle dans le pied  ?
On veut bien croire que Didier Deschamps est contagieux mais il a Griezmann, Mbappé comme armes de séduction.   Il faudrait être un vrai ravi de la crèche pour penser que l’incurie va se dissiper en un claquement de doigts. Les clubs sont coincés parce que leur fonds de garantie (l’actif joueurs) s’est étiolé, tous les pays étant concernés par les baisses de recettes dues au Covid. Vincent Labrune, le nouveau président de la Ligue, est chargé de trouver une solution. Sans vergogne, il frappe à la porte de l’Etat, comme si celui-ci n’avait pas d’autres chats à fouetter. Les contribuables accepteraient-ils de payer les salaires des footballeurs qui refusent de voir leur contrat révisé à la baisse. . Alors  ? Bon courage…

Un Knysna au féminin  ?
Le foot féminin français est en train de vivre un mélodrame dont il aurait pu se passer. On se crêpe le chignon entre la sélectionneuse Corinne Diacre et les joueuses de l’équipe de France. Quand on sait l’explosion qu’a connue la discipline après une Coupe du Monde en France très réussie, on ne peut que s’en désoler. La joueuse de Lyon, Amandine Henry, a fait des déclarations détonantes  :  «  L’ambiance est calamiteuse depuis longtemps, lors des rassemblements, nous sommes au bord de la crise de nerfs à cause du management de Corinne Diacre, j’ai même vu des joueuses pleurer tant elles étaient humiliées.  »
Cet état délétère couve depuis très longtemps et Noël Le Graët aurait dû essayer de circonscrire l’incendie pour éviter un Knysna au féminin. Il a fermé les yeux devant l’embrasement en se contentant de prolonger Diacre. Le clash semble aujourd’hui inévitable entre le clan des Lyonnaises et Diacre. Le Graët.
Il fait aussi l’autruche devant l’ambiance gangrenée qui règne à la Fédération dans les différents services. Les démissions succèdent aux démissions chez les cadres qui déplorent une atmosphère de harcèlement permanent. Le Graët a commandé un audit bien tardivement. Les élections à la présidence sont pour bientôt, la bataille de chiffonniers est commencée.

Alors, Rabiot ou pas Rabiot  ?
Dans un registre infiniment plus dérisoire, on a été très surpris du traitement de faveur accordé à Adrien Rabiot après sa prestation si aboutie contre le Portugal. La première fois où nous avions vu jouer le Parisien dans une sélection de jeunes nous avait conquis et nous n’avons eu de cesse de louer son intelligence, sa technique, son élégance, son sens du jeu. Il a dû être étonné du nombre de girouettes que compte la presse. On ne divulguera pas leur nom, la liste serait longue mais beaucoup de journalistes ne manquent pas d’air. Quand Rabiot était parti en vacances au lieu de rester près de son téléphone en attendant une blessure d’un des invités en Russie pour la Coupe du monde, le couperet était tombé  :  «  Plus jamais Rabiot ne devra être rappelé  ». Samedi soir, sa prestation a engendré tous les reniements  :  «  Il a gagné ses galons de titulaire  ». Il y a vraiment des amnésiques.