Maradona  : le rat et la madone par Simon Lebris

Maradona  : le rat et la madone par Simon Lebris
Dans son nom, il y a (au prix d’une association verbale même française), toute l’ambivalence de la nature humaine  : la noirceur du rat et la pureté d’une madone.
Et dans tout le ramdam fait autour de sa disparition, elle est joliment résumée par ces paroles de son ex-coéquipier Gabriel Calderon  :
«  Je t’aime Diego. Je ne te juge pas pour ce que tu as fait de ta vie, mais je t’aime pour ce que tu as fait de la nôtre  ».
Notre ancien collaborateur Faouzi Mahjoub, aux convictions tiers-mondistes inaltérables, l’a vu pour de vrai, l’a même approché lors d’une de ses quatre Coupes du monde. En l’évoquant, Faouzi n’avait de cesse de louer sa gentillesse, son naturel, sa simplicité qui contredit un orgueil paraît-il «  démesuré  ».

Il y a de nombreuses raisons pour que la France, culturellement plus littéraire que sportive, ne puisse générer un footballeur de cette dimension, un footballeur qui transcende son propre territoire. En France, nous n’avons que Napoléon, Victor Hugo ou Johnny Halliday pour faire chavirer les foules. La France n’est pas une nation capable d’idolâtrer un joueur de football. L’intéressant est justement que Maradona pratiquait le sport le plus populaire, le plus universel de tous les sports. Un sport fondamentalement collectif qu’il a pratiqué avec un talent hors du commun, qui a fait s’extasier. Ce ne sont hélas que ses exploits individuels qui sont montrés en boucle pour rappeler sa grandeur, la politique entrant en jeu et même dans le jeu  : il s’agit surtout des minutes où Maradona a donné à l’Argentine l’occasion de prendre sa revanche sur l’Angleterre qui l’avait humiliée avec la guerre perdue des Malouines. N’y regardant pas de trop près pour soutenir des dictatures “populaires”, Maradona a toujours été du côté du plus faible dans un match dont on risque d’attendre longtemps le coup de sifflet final.
Quant à lui attribuer le titre impossible de “plus grand footballeur de tous les temps”, on se bornera à dire, sans pouvoir être contesté, que Maradona fut unique. Comme tout le monde.